Napoleon BONAPARTE
« Les hommes de génie sont des météores destinés à brûler pour éclairer leur siècle. »
Le premier empereur des Français est né à Ajaccio, issu d’une famille nombreuse de la petite noblesse locale. Charles Bonaparte, en 1777, fait partie de la délégation de l’Assemblée Générale des Etats de la Corse, convoquée à Versailles. Par l’intermédiaire de Marbeuf (neveu du lieutenant-général), évêque d’Autun, il obtient une bourse d’études pour son fils à l’école militaire de Brienne le Château, dans l’Aube. Le jeune Napoléon fait alors un court séjour à l’école militaire d’Autun (où un lycée porte son nom aujourd’hui) avant d’intégrer Brienne. Ses professeurs décèlent en lui un vrai talent de commandement et d’organisation militaire. A la mort de son père, Napoléon entre en 1784 à l’école militaire de Paris, puis s’engage dans l’artillerie à Auxonne.
Il est à Paris en 1789 lorsque la Révolution éclate, et assiste à la prise des Tuileries. En Corse, sa famille soutient les révolutionnaires, au contraire des partisans de Paoli, qui souhaitaient une monarchie constitutionnelle. La mort du roi déclenchera en Corse une insurrection, et les Bonapartes seront contraints de fuir sur le continent. Ils arrivent à Toulon en 1793. C’est là que Napoléon fait la connaissance de Maximilien de Robespierre, et il est en même temps capitaine d’artillerie à Toulon. Ses plans de bataille permettent à ses troupes de reprendre la ville face aux révolutionnaires aidés des britanniques. Il revient à Paris, et est arrêté quelques mois à cause de ses amitiés jacobines.
A sa libération en 1795, Barras l’envoie combattre l’insurrection Vendémiaire de la Convention. L’intervention est couronnée de succès, et Napoléon sera promu général de division, puis commandant de l’armée de l’intérieur, succédant ainsi à Barras (qui devient l’un des cinq Directeurs). Notons que c’est au cours de cette bataille que Napoléon rencontre pour la première fois Joachim Murat, qui épousera l’une de ses sœurs. C’est une promotion exceptionnelle pour le jeune Napoléon, qui va alors mettre à profit son apprentissage. Il développe ainsi l’artillerie au sein de ses troupes.
En 1796, il est nommé commandant en chef de l’armée d’Italie. Ses 40 000 hommes battent à plusieurs reprises l’armée autrichienne du général Beaulieu puis l’armée sarde à la bataille de Millesimo et de Mondovi en avril 1796. L’armistice Sarde sera signé à Cherasco, le 28 avril 1796. Le successeur de Beaulieu, Wurmser, sera lui aussi vaincu à son tour par Bonaparte à la Bataille de Castiglione et à la Bataille de Bassano en août et septembre 1796. Napoléon bat ensuite le successeur de Wurmser, Alvinczy, à deux reprises : à Arcole en novembre 1796 puis lors de la bataille de Rivoli en janvier 1797. L’armée autrichienne, vaincue définitivement à la bataille de Neumarkt d’avril 1797, demandera l’armistice. La campagne d’Italie permet à Napoléon de s’affirmer en tant que chef militaire, en même temps qu’elle lui confère une grande popularité en France. En 1796, Napoléon avait épousé une jeune créole, Joséphine de Beauharnais.
La campagne d’Italie à peine terminée, Napoléon persuade le Directoire de mener la guerre en Egypte, pour couper la route des Indes aux britanniques. Le Directoire accepte, croyant envoyer à la mort le jeune et brillant général qui commençait à leur faire de l’ombre. Napoléon prend ainsi le commandement de l’armée d’Orient, avec le général Kléber sous ses ordres. Il profite de l’occasion pour visiter avec des chercheurs les vestiges de l’Egypte ancienne. C’est ainsi que fut découverte la pierre de Rosette, qui permettra à Jean-François Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes, inconnus jusqu’alors. Avant de débuter la campagne d’Egypte, la France s’empare de Malte en juin 1798, pour assurer un relais de communications dans la région. La flotte débarque à Alexandrie le 1er juillet 1798, et la ville sera prise sans difficultés le lendemain. La première bataille à Chebreïs se solde par une victoire, et l’armée mamelouke est à nouveau battue lors de la bataille des pyramides de Gizeh le 21 juillet. Trois jours plus tard, l’armée entre au Caire, mais la flotte française sera décimée début août à Aboukir par les troupes de Nelson. Les Turcs profitent de cet instant de faiblesse pour déclarer la guerre à la France (l’Egypte faisait alors partie de l’Empire Ottoman). La population du Caire se soulève en octobre 1798, mais cette insurrection sera bien vite stoppée par les troupes françaises. Napoléon, dans cet état de guerre, déplace le front de l’Egypte vers la Syrie, où il bat l’armée turque à El Arich et Gaza. Les français doivent de plus lutter contre un autre danger : la peste, qui fait rage dans la région. L’armée française arrive en mars 1799 devant Saint-Jean d’Acre. Les ottomans seront battus à Nazareth en avril, puis au mont Thabor quelques jours plus tard. Décimée par la peste, l’armée française rentre en Egypte en juin 1799. Les turcs seront battus à Aboukir le 25 juillet. Napoléon, après autant de victoires, décide de rentrer à Paris, laissant l’armée d’Orient à Kléber. Ce dernier maîtrisera les turcs à la bataille d’Héliopolis, mais sera assassiné au Caire le 14 juin 1800, le jour de la victoire de Marengo.
Ironie de l’histoire, l’anagramme de «révolution française» est «un veto corse la finira». Rupture des idées révolutionnaires pour certains, continuité logique pour d’autres, le Consulat est une phase de transition de l’histoire de France. Sentant le Directoire affaibli par les guerres et les tensions au sein du conseil des Cinq Cents (présidé par son frère Lucien), Napoléon profite de son retour à Paris pour tenter d’accroître son pouvoir. Le coup d’état du 18 brumaire (9 novembre 1799) est d’une nature très complexe et revêt de multiples enjeux. Officiellement, Napoléon veut prendre le contrôle des armées qui défendent les assemblées d’un péril jacobin, encore très présent. En parallèle, l’abbé Sieyès, membre du Directoire souhaite lui aussi renverser le régime et changer la Constitution pour consolider les acquis de la Révolution. Appuyé par le Conseil des Anciens, il parvient à faire déplacer les assemblées à Saint Cloud. Suite au coup d’état, acclamés par la foule, trois consuls sont désignés pour remplacer les Directeurs : Bonaparte, Sieyès et Ducos. Si ce dernier est rallié à la cause de Bonaparte, Sieyès entend quant à lui jouer un rôle dans le nouveau gouvernement. Bonaparte tente de lui barrer la route en nommant ses ennemis, dont Talleyrand, aux fonctions ministérielles. Le projet de constitution de Sieyès, basé sur un législatif fort et un exécutif honorifique, rentre en compétition avec celui de Bonaparte, qui axe l’essentiel du pouvoir sur les consuls. Le texte final, la Constitution de l’an VIII, sera votée le 13 décembre 1799 et rentrera en vigueur le 25. Napoléon devient premier Consul, et Sieyès président du Sénat. Il s’agit d’un régime doté d’un exécutif fort, et d’un législatif quadri caméral n’ayant que très peu de pouvoir.
C’est sous le consulat que se renforce la suprématie du Premier Consul, en même temps que se dessinent les contours du futur Empire. Dans les premiers temps du régime, Napoléon doit faire face à une coalition européenne. Il attaque l’Autriche en 1800, et vainc l’armée autrichienne le 14 juin de la même année à Marengo. Cette victoire met fin à la guerre franco-autrichienne, et le traité de paix de Lunéville est signé le 9 février 1801. Les britanniques, alliés des autrichiens, signeront à leur tour un traité de paix le 25 mars 1802 à Amiens. A la fin de l’année 1800, le 24 décembre, Napoléon échappe de justesse à un attentat à la bombe rue Saint Nicaise, à Paris. Cet événement est essentiel dans l’évolution du régime du Consulat à l’Empire. Napoléon, pour mettre en garde ses ennemis, fait exécuter le duc d’Enghien, l’un de ses principaux opposants. Il se demande ensuite ce qu’il adviendrait des acquis du Consulat et de la Révolution si il advenait à disparaître dans un tel assassinat. Il cherche alors à renforcer son pouvoir et à instaurer une dynastie héréditaire. Le 2 août 1802, il se fait élire consul à vie, et le sénat ratifie la nouvelle constitution de l’an X, qui renforce cette position.
Le 18 mai 1804, Napoléon est couronné Empereur des Français par le pape Pie VII, et prend le nom de Napoléon Ier. La symbolique de ce sacre est très forte : d’une part, ce n’est pas l’Empereur qui est allé à Rome se faire couronner, mais le pape qui est venu. De plus, Napoléon se couronne lui-même, ainsi que Joséphine. L’iconographie est très recherchée, et fait référence à tous les signes de pouvoir qui ont représenté la France et l’empire romain. Ainsi le manteau impérial est rouge, et l’aigle aux ailes déployé est choisi comme symbole officiel. Les abeilles font référence aux Mérovingiens, et la fleur de lys aux Capétiens. Le globe et la couronne sont des répliques de ceux de Charlemagne, tout comme l’épée et le sceptre, utilisés depuis des siècles dans le sacre des rois de France, et sensés dater de l’ère carolingienne. Jacques-Louis DAVID a peint cette scène, Le sacre de Napoléon, que l’on peut aujourd’hui voir au château de Versailles.
Le Concordat avait été signé en 1801 entre Napoléon et Pie VII. Il remettait en question l’un des principaux acquis de la Révolution Française : la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Le Concordat fait de la religion catholique la religion officielle de la majorité des Français (mais les autres cultes sont tolérés), en échange de quoi le Premier Consul nomme les évêques. Ce traité lui vaut le soutien des royalistes, en majorité catholiques, qui se méfiaient jusqu’alors d’un homme issu de la Révolution. S’allier à l’Eglise assure à Napoléon une certaine légitimité, en même temps qu’il place le politique au-dessus du religieux.
La paix signée en 1802 avec l’Angleterre sera de courte durée. Napoléon projette d’envahir l’Angleterre, pour assurer une paix définitive avec ce pays. Le plan de bataille élaboré avec Latouche Tréville se solde par un échec, et la flotte franco-espagnole se fait décimer à Trafalgar le 21 octobre 1805. La flotte anglaise commandée par Nelson affirme une fois de plus sa suprématie sur mer.
En parallèle, une troisième coalition se forme entre la Russie, l’Autriche, la Suède et Naples (l’Italie n’était alors pas encore unifiée). Jugeant cette menace plus importante que l’invasion de l’Angleterre, Napoléon et la Grande Armée partent pour l’Autriche. Ils remportent une première victoire à Austerlitz le 2 décembre 1805 contre l’armée austro-russe. Suite à cette brillante victoire, l’Empereur se fait désormais appeler Napoléon le Grand, imitant ainsi les tsars. Les armées prussiennes sont vaincues en 1806 à Iéna, et le traité de Tilsit partage l’Europe entre la France et la Russie du tsar Alexandre Ier.
Suite à ces victoires, l’Angleterre décide de riposter en déclarant l’embargo sur la flotte marchande française. En représailles, Napoléon déclare lui aussi le blocus. Tout commerce ave l’Angleterre est ainsi interdit. Napoléon veut étendre ce blocus sur les côtes méditerranéennes. Le Portugal refusant, Napoléon demande à l’Espagne un droit de passage pour faire céder le Portugal par la force. Il profite de ce séjour en Espagne et d’un relatif désordre dynastique pour placer son frère Joseph sur le trône espagnol. L’Espagne se soulève et est aidée par l’Angleterre, qui vaincra l’armée française en 1808.
L’Autriche profite alors de cette victoire britannique pour attaquer la Grande Armée à l’est. Napoléon bat une nouvelle fois l’armée autrichienne lors de la victoire de Wagram les 5 et 6 juillet 1809. L’armistice est ensuite signé. Pour consolider cette paix, Napoléon décide de divorcer de Joséphine qui ne lui avait pas donné d’héritier, et d’épouser Marie-Louise, fille de l’empereur d’Autriche (et petite-nièce de Marie-Antoinette). Leur fils Napoléon II naît le 20 mars 1811, et est surnommé le Roi de Rome. En 1810, Napoléon crée le Grand Empire : il s’étend de Rome à Amsterdam, compte 132 départements, et 70 millions d’habitants.
Alors que la situation semble s’être stabilisée à l’est, le tsar Alexandre Ier laisse entrer les troupes britanniques en août 1811, violant ainsi le traité de Tilsit. Napoléon décide de déclarer la guerre à son ancien allié, et regroupe une armée composée de soldats venus de toute l’Europe. Ces 700 000 hommes arrivent à Moscou le 14 septembre 1812 et pénètrent dans la ville. Pratiquant la politique de la terre brûlée, les moscovites incendient leur ville, et le Grande Armée doit battre en retraite. Réfugiée dans la campagne environnante, l’armée napoléonienne doit faire face à un ennemi de taille : l’hiver russe. Les soldats commencent à souffrir du froid, et la neige les empêche d’avancer. Encerclée par les cosaques du maréchal Koutouzov, la Grande Armée doit s’enfuir en traversant la rivière Bérézina. Une grande partie des soldats trouvera la mort à ce moment là. L’armée napoléonienne est en déroute. La coalition profite de ce moment de faiblesse pour attaquer, et l’armée napoléonienne est vaincue à Leipzig le 19 octobre 1813, à la bataille des Nations. La France vaincue, envahie, Napoléon doit partir en exil.
L’armée de coalition entre dans Paris le 31 mars 1814. Napoléon abdique le 6 avril à Fontainebleau, et est envoyé à l’exil sur l’île d’Elbe. En France, la Restauration commence, avec Louis XVIII. L’exil ne sera que de courte durée, puisque Napoléon s’échappe et rejoint la France en mars 1815. L’armée qui devait l’arrêter l’accueille en héros et se place sous son commandement. Le «vol de l’aigle» commence. Napoléon avait en effet déclaré : «l’aigle volera de clocher en clocher jusqu’aux tours de Notre-Dame». L’armée arrive à Paris. Louis XVIII s’enfuit et Napoléon reprend le pouvoir sans coup de force. Commence alors la période des Cent-Jours, du 20 mars au 22 juin 1815. Mais l’Europe entre à nouveau en coalition contre l’Empire. Ecrasé par le nombre, Napoléon est battu à Waterloo le 18 juin 1815. Il abdique une seconde fois, et est envoyé en exil sur l’île britannique de Sainte-Hélène, où il rédige ses mémoires (le Mémorial de Sainte Hélène) avant de mourir le 5 mai 1821. Enterré sur l’île, son corps ne reviendra en France qu’en 1840, sur l’ordre de Louis-Philippe. On peut voir aujourd’hui le mausolée impérial aux Invalides, à Paris.
Adulé par certains, admiré pour ses victoires militaires, décrié par d’autres qui voient en lui un tyran, Napoléon est un personnage qui ne laisse personne indifférent. Sans émettre de jugement de valeur, on peut lui reconnaître d’avoir donné à la France des institutions encore présentes aujourd’hui, telles que le Conseil d’Etat (1799), la Banque de France et les préfectures (1800) les lycées, la légion d’honneur et les chambres de commerce (1802), le code civil (1804), les prud’hommes et l’université (1806), la Cour des Comptes (1807), le baccalauréat (1808) et le code pénal en 1810. Il est enfin à l’origine de nombreuses réalisations architecturales comme l’arc de Triomphe de l’Etoile (1806), l’arc de triomphe du Carrousel (1808), la colonne Vendôme (1805-1810), la rénovation du palais Bourbon, l’église de la Madeleine, la transformation du Louvre en musée et la construction de sa cour carrée, les ponts des Arts, d’Austerlitz et Iéna, et le remaniement de la place Bellecour à Lyon. La ville d’Ajaccio est très marquée par la figure de l’empereur, aussi bien dans les noms de rues que dans ses monuments. De nombreux aménagements eurent lieu sous le Ier Empire, et de nombreux monuents furent édifiés à la mémoire de l’empereur, qui disait lui-même :
«j’ai puisé la vie en Corse et avec elle un violent amour pour mon infortunée patrie et pour son indépendance. Et moi aussi je serais Paoli».
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